L'étiquetage des contenus carbone est essentiel pour initier la décarbonation appelée par les scientifiques et l'Accord de Paris : nous proposons une loi-poids-carbone qui soit votée majoritairement au Parlement français pour la mettre en place sous 12 mois.
PROPOSITION DE LOI
Visant à instaurer un étiquetage obligatoire du poids carbone en vue du partage de l’effort de décarbonation de l’économie française
Présentée par : XX et XY
PRÉALABLE
La nomination d’un Premier Ministre qui a été en première ligne de la planification, laisse présager de l’intégration, dans l’action publique française, des demandes des scientifiques de limiter les gaz à effet de serre pour garder la planète habitable.
Tous les partis politiques français ont montré leur sensibilité au risque climatique, quelle qu’en soit l’analyse qu’ils font de ses origines.
Les citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat en 2019 ont déjà proposé un étiquetage carbone. Cette proposition[1] a reçu un des meilleurs taux de validation par les 150, tous d’origines et de sensibilités différentes et réunis pour ce grand moment de démocratie.
L’objectif de la présente loi est de permettre aux consommateurs de prendre conscience[2] des émissions des gaz à effet de serre de leur consommation[3] et de leur donner le pouvoir d’agir.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article L. 113-1 du chapitre III du titre 1er du livre 1er du Code de la Consommation est insérée une suite ainsi rédigée[4] :
Article 113-2 : Le fabricant, le producteur ou le distributeur d'un bien ou service commercialisé en France doit impérativement informer le consommateur du contenu carbone, par un étiquetage approprié, exprimé en « kilos de CO2 équivalent » ou points carbone sous l’unité Ͼ (caractère delta lunaire de l’alphabet grec).
Article second
Article 113-3 : L’étiquetage généralisé entraine que chaque entreprise et personne morale tienne un registre carbone qui porte à son débit les poids-carbone entrant dans son activité et à son crédit les poids-carbone qui en sortent, permettant de vérifier la balance équilibrée et donc asseoir l’étiquetage sur sa réalité.
Article troisième
Article 113-4 : Le contrôle de la réalité de l’étiquetage est assuré par la mise en place de l’agence carbone nationale, à définir comme organisation paritaire indépendante incluant les représentants des entreprises, des consommateurs, des organisations syndicales et corps intermédiaires avec l’appui de l’ADEME et du Haut Conseil pour le Climat. Cette agence carbone serait le socle de coordination avec les autres agences européennes et aurait la capacité d’organiser les guichets carbone des phases ultérieures de décarbonation de la France.
Article quatrième
Article 113-5 : Concernant les importations et exportations, il est défini que la Nomenclature Douanière (établissant le barème européen des poids et mesures des produits importés) inclue le poids-carbone selon la norme Iso 14067 conforme au protocole de Kyoto.
Article cinquième
Article 113-6 : La présente loi donne les moyens nécessaires aux organismes de contrôle dont la DGCCRF, pour sanctionner les manquements.
Article sixième
L’article 113-2 serait modifié en 113-7 comme suit :
Article 113-7 : Si la transmission au consommateur d'une information, en application de l'article L. 113-1, « et sauf en ce qui concerne les contenus carbone définis à l’article L. 113-2 », est de nature à compromettre gravement les intérêts stratégiques ou industriels du fabricant, du producteur ou du distributeur concerné par la demande, celui-ci peut décider de ne pas la transmettre à condition d'en motiver les raisons.
Article septième
Article 113-8 : La présente loi entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant sa publication.
Article huitième
Article 113-9 : Les frais entrainés par la présente loi sont couverts par une augmentation de la taxe sur les carburants à raison de un centime par litre soit de l’ordre de 400 millions €/an.
Article alternatif
[Financement : il est proposé d’ajouter un article 50bis au chapitre Projet de loi de finances n°1680 - 16e législature - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr) ou sa mise à jour : ]
Pour couvrir les frais supplémentaires de la DGCCRF pour contrôler la mise en œuvre de la présente loi et pour amorcer la création de l’Agence Carbone Nationale, il est proposé une “contribution-poids-carbone” de 0.01% (un centième de pourcent) du chiffre d’affaires des entreprises françaises de CA annuel supérieur à 2 milliards €, soit 140 entreprises totalisant 950 milliards € de CA annuel en 2023, effet attendu d’environ 95 millions €.
Amendement ou ajout : Comme la mise en place du double étiquetage pourrait demander des efforts et compétences aux entreprises pour mettre en œuvre leurs registres carbone (comptabilité carbone simplifiée permettant de vérifier l’équilibre entre les sorties et les entrées de carbone dans l’entreprise), la loi peut prévoir des coupons-conseil permettant de subventionner à 50% les prestations de conseil engagées par les entreprises. Son volume entrainera d’adapter le pourcentage de la contribution poids-carbone des grandes entreprises.
Exemples d’étiquetages possibles dans le bandeau (parmi une offre déjà très fournie) :
EXPOSÉ DES MOTIFS
Première étape : mettre en place un étiquetage du poids carbone
Pour réduire efficacement les émissions de gaz à effets de serre, il est nécessaire de donner au consommateur la capacité de choisir ses produits et services en fonction du poids carbone (parmi d’autres indicateurs – prix, nutriscore…).
Cela nécessite d’une part un affichage[5], un étiquetage clair, garanti, vérifiable, et d’autre part la tenue par les entreprises du registre d’entrées-sorties de contenus carbone[6].
Outre l’urgence de respecter l’Accord de Paris, le moment est opportun avec la mise en place de la facturation électronique pour toutes entreprises (facilitant la tenue de registre carbone si le poids carbone est transmis électroniquement par chaque fournisseur) et l’apparition d’une méthode appelée 3D pour obtenir facilement l’information carbone sur toutes factures, laquelle s’appuie sur les données INSEE des 64 branches avec des informations simples issues des données sectorielles Eurostat.
Un des effets visés à court terme est la récompense des entreprises sobres en émissions, par une meilleure compétitivité, puis la stimulation de l’innovation des entreprises moins sobres pour réduire leur impact carbone pour rester compétitives.
Enjeu à moyen terme : mettre en place le compte carbone
L’étiquetage carbone peut constituer la première étape indispensable vers le compte carbone qui est la voie spécifique pour garantir la réduction des gaz à effet de serre. Le compte carbone, dont la mise en place est à décider démocratiquement, consiste à doter chaque citoyen-consommateur d’un même quota de points carbone, réduit doucement, d’année en année, sur trente ans, jusqu’à arriver à un niveau d’émissions de gaz à effet de serre assimilable par l’écosystème de la planète Terre .
Enjeu à plus long terme (vers 2050)
À l’échéance fixée par l’Accord de Paris, les français ne génèrent plus que la quantité de gaz à effets de serre que la planète peut absorber annuellement.
Précisions techniques - Conditions de mise en œuvre
Étiquetage
• Dans le magasin, le
ticket de caisse regroupant les achats, doit faire la somme d’une part des
euros et d’autre part des points carbone tels que dûment visibles en rayons.
Première année
• Le poids
carbone affiché s’appuie sur celui transmis par le producteur au distributeur,
en première année il peut être le même. Ainsi en première année, le producteur
peut s’appuyer sur les valeurs approchées publiées par l’Ademe.
Années suivantes
• Dès la seconde année le commerçant ou distributeur doit intégrer dans l’étiquetage la part carbonée de son activité, intégrant donc ses propres dépenses de carbone, reprises dans son registre carbone.
• Ainsi le commerçant ou distributeur affecte une majoration de carbone (calculée selon son propre registre carbone) aux valeurs transmises par ses fournisseurs, le producteur et ses fournisseurs doivent tenir leur propre registre carbone pour intégrer la chaine du carbone comme avec le suivi TVA.
• L’objectif
est que le poids carbone soit de plus en plus incontestable au fil des ans par
la tenue équilibrée des registres carbone.
Importation
• Concernant les produits, matières et services importés, l’importateur intègre les poids carbone définis dans la nomenclature douanière qui apporte toute garantie de neutralité vis-à-vis des règles internationales.
• Les
points carbone ainsi portés au débit du registre carbone de l’importateur sont
symboliquement transmis au crédit de l’agence carbone nationale.
Exportation
• Concernant les produits et services exportés, l’agence carbone crédite les exportateurs des points carbone nécessaires à l’équilibre de leurs registres.
• Ces
actions seront évitées quand les pays tiers se seront dotés des mêmes registres
carbone et agences carbone servant d’interlocuteurs.
Respect des normes
Le CO2 équivalent est évalué en respect du protocole de
Kyoto et de la norme ISO 14067.
Produits alimentaires
• L’agence carbone, qu’il faut mettre en place pour le suivi des registres carbone (et ultérieurement des comptes carbone des citoyens) disposera, grâce aux travaux de l’ADEME, de standards d’émissions pour les matières difficilement mesurables comme par exemple les émissions de méthane par les ruminants (donnant avantage à l’élevage en pâturage plutôt que hors-sol), pour les taux de séquestration de carbone par les différents types de cultures et végétaux, pour les additions d’engrais générant des oxydes nitreux...
• Les agriculteurs pourront appliquer des standards mais seront encouragés à améliorer leurs pratiques culturales vers moins de mécanisation (évitant les labours par exemple), moins de pesticides (dont le processus de fabrication génère des gaz à effet de serre), moins d’engrais ou même utiliser des tracteurs électriques alimentés par fermes solaires.
• Pour le poisson, il sera demandé aux pêcheries de tenir leur registre carbone concernant la consommation de carburant de leurs bateaux ; les moyens à terre de stockage et préparation à la commercialisation, y compris emballages, seront également intégrés dans les registres carbone.
Produits pétroliers
• Pour les produits pétroliers, toutes les ressources sont importées en France : les raffineurs utilisent alors les indications de la nomenclature douanière. Les carburants d’origine agricole sont à traiter comme ci-dessus.
• Pour le transport aérien, l’achat de kérosène est le principal poste ; s’il est importé ou acheté dans un aéroport hors de France, il doit faire référence à la nomenclature douanière. Le registre doit s’adapter aux clients français et non français, ces derniers étant considérés comme de l’export.
Bâtiment
• Les entreprises de bâtiment enregistreront également leurs débits et crédits de points carbone, avec l’avantage que dans la construction neuve la réglementation 2020 E+C- impose déjà le suivi des causes de gaz à effet de serre.
• Pour les cimenteries, productions de brique et tuiles à base d’argile, céramiques à base de kaolin, il sera supposé que la ressource d’extraction ne porte pas de carbone. Les éléments du process de production sont repris dans leurs registres carbone. La chimie des opérations de production de clinker indique les émissions de CO2.
Services
• Pour les services, les organismes portent toutes dépenses dans leurs registres carbone, le coiffeur intègre le chauffage, les produits coiffants, le renouvellement de mobilier (dont il peut étaler le poids carbone sur sa durée de vie annoncée). Par exemple l’infirmière à domicile mentionne sur la feuille maladie le prorata de carbone que génère son déplacement.
• Les producteurs de services en ligne comme l’internet, la connexion mobile, l’électricité, le gaz de ville, devront également tenir leurs registres carbone pour imputer aux clients connectés leur part de leur carbone. Les banques seront au même régime, en intégrant le carbone de siège et filiales et celui de l’agence locale.
• Un pigiste livrant son article à une compagnie de presse accompagnera sa facture d’un relevé de points carbone correspondant aux déplacements qu’il aura dû faire et à ses éventuels frais professionnels.
• Un avocat annoncera à son client qu’en même temps que les honoraires, il présentera un bordereau de points carbone conforme aux charges fixes de son cabinet et aux déplacements entrainés par sa défense, conformément au registre carbone qu’il tiendra à jour.
Une piscine municipale devra tenir son registre carbone, éventuellement regroupé avec les services communaux, pour le suivi des points carbones dépensés et encaissés. On pourra supposer selon les communes que le carbone est offert aux administrés, mais l’information sera pédagogique.
• Les restaurateurs, bars et professionnels apparentés devront indiquer le contenu regroupé de leurs menus en suivant les points carbone dépensés pour que les points carbone encaissés couvrent le débit.
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[1] La loi 2021-1104 « climat-résilience » qui en a résulté reste vague sur l’étiquetage et n’a pas eu d’effet trois ans après, peut-être parce qu’on a complexifié le projet avec des polluants à traiter ultérieurement et peut-être parce qu’insuffisamment obligatoire.
[2] L’OCDE a publié une étude mondiale sur ce qui a réussi ou échoué en matière de réduction du réchauffement climatique, beaucoup d’échecs mais un invariant : l’information est toujours efficace.
[3] D’autres consommations sont à surveiller pour la biodiversité, la ressource en eau, la pollution plastique ; le poids-carbone étant le plus simple à mettre à place, et de façon urgente, mérite le premier étiquetage. Il peut être complété par un indice nutriscore ou planetscore pour attirer l’œil sur les produits plus sains ; ces indices ont l’inconvénient de n’être pas additionnables, alors que le ticket de caisse additionnant les poids-carbone de tous achats reste des plus pédagogiques.
[4] [à ce stade il faut modifier le 113-2 en 113-7 (ajouter “sauf étiquetage du poids carbone”) et créer les articles 113-2 et suivants comme suit : ] (cela peut être ajouté au chapitre 2 concernant l’obligation de prix monétaire, plutôt que le chapitre 3 qui concerne ici l’obligation d’information d’ordre sociale)
[5] Comme lorsqu’ont été affichées simultanément en 2002 les étiquettes en euros et en francs, il sera proposé aux commerçants le double étiquetage, largement facilité aujourd’hui par l’étiquetage électronique relié aux bases de données des magasins. Ce double étiquetage sera rendu obligatoire dans un délai défini par l’exécutif.
Nous proposons ici de commencer l’étiquetage avec une progressivité organisée avec l’aide de la DGCCRF, de l’ADEME, de la FCA Fédération du commerce coopératif et associé, de la Fédération du Commerce et de la Distribution, le CDCF, l’ANIA, la FGTA-FO, la SNCDD et tous les organismes apportant leurs compétences et influences.
[6] La France dispose d’une agence unique au monde en matière climatique, l’ADEME, qui tient à jour une base de données des contenus carbone, la plus complète possible. Ces données approchées permettront le démarrage de première année. Après la phase de démarrage, les entreprises seront en mesure de tenir à jour leur registre d’entrées-sorties de contenus carbone pour la vérité des contenus de chaque offre. En effet la présentation des registres carbone, certifiés par experts comptables ou commissaires aux comptes, préviendra les contentieux qui pourraient survenir en cas de contestation du poids carbone des produits d’un fournisseur.